Japon, cap nationaliste et militaire | Géopolitis
Le Japon “pacifiste”, selon sa Constitution d’après-guerre, augmente toujours plus son budget militaire. La nouvelle Première ministre Sanae Takaichi a fait de la Défense l’une de ses priorités, alors que les tensions dans la région indo-pacifique s’intensifient.
Invitée : Constance Sereni, historienne spécialiste du Japon contemporain à l’Université de Genève
Présentation : Laurent Huguenin-Elie
Au sommaire:
00:00 Le Japon de la “Dame de fer”
02:04 La conservatrice Sanae Takaichi, première femme à la tête du Japon
05:53 Constance Sereni: “Takaichi a réussi ce pari de trouver un parti qui l’épaule pour obtenir la majorité dans les deux chambres”
12:45 Sanae Takaichi veut renforcer ses liens avec Washington
15:10 Constance Sereni: “Sanae Takaichi a choisi de caresser Donald Trump dans le sens du poil”
20:12 Le Japon accélère son réarmement, mais peine à recruter des soldats
22:32 Constance Sereni: “L’idée du réarmement du Japon n’est pas très populaire”
A peine investie, la très conservatrice Sanae Takaichi a promis une hausse substantielle du budget de la défense japonais, porté à 2% du PIB dès l’an prochain, soit deux ans plus tôt que l’objectif fixé par son prédécesseur. L’archipel muscle sa défense, en particulier sur le front des drones ou des missiles à longue portée pour ses Forces d’autodéfense. Le terme de “forces d’autodéfense” est une “nuance très importante dans l’esprit des gens, (…) elle ne s’appelle pas armée en japonais”, souligne dans Géopolitis Constance Sereni, historienne spécialiste du Japon contemporain à l’Université de Genève.
“Historiquement, la population s’est toujours montrée très pacifiste depuis la fin de la guerre. L’une des façons de surmonter ce traumatisme, (…) ça a été le pacifisme”, poursuit la chercheuse. L’article 9 de la Constitution japonaise consacre cette idée de “renoncement à la guerre”. Constance Sereni explique que les Japonais y restent très attachés, le considèrent même comme une fierté et non “une clause imposée par les Américains”, “ce qui fait que globalement, l’idée du réarmement du Japon n’est pas très populaire.”
L’ancien Premier ministre Shinzo Abe, assassiné en 2022, était le mentor de Sanae Takaichi. Tout comme lui, elle ambitionne de réviser cet article “pacifiste”. “L’idée serait de l’élargir probablement, plutôt que de le transformer complètement. Jusqu’ici, cela s’est montré très difficile”, précise Constance Sereni. Sanae Takaichi défend le principe d’une “défense collective”, qui permettrait d'”aider ses alliés au nom de l’autodéfense, dit-elle. Dans l’état actuel des choses, si les Etats-Unis venaient à être attaqués, le Japon n’a pas le droit de les aider.”
-Trump first
Sanae Takaichi a enchaîné les rencontres diplomatiques depuis sa nomination, en commençant par la visite de Donald Trump à Tokyo fin octobre. Elle entend faire de la relation avec Washington la priorité de sa politique étrangère. Sanae Takaichi n’a pas ménagé ses efforts pour s’attirer les bonnes grâces du président américain, qui la rencontrait pour la première fois : une balle de golf plaquée or en cadeau, du bœuf américain au menu du dîner. La Première ministre aurait aussi annoncé vouloir le recommander pour le Prix Nobel de la paix.
“Elle a été dans un premier lieu félicitée, pour son habileté à gérer Donald Trump. (…) Elle a choisi de le caresser dans le sens du poil, ce qui a semblé à beaucoup de commentateurs très habile. Cela dit, elle a également été critiquée à la Diète [le Parlement japonais] pour cela. Certaines personnes ont trouvé qu’elle avait lâché trop de mou face aux Américains, qu’elle s’était montrée trop conciliante”, commente l’historienne.
Le Japon et les Etats-Unis sont liés par un traité de défense, signé en 1960. Le Japon accueille le plus important déploiement américain à l’étranger, approximativement 60’000 militaires sur plusieurs bases. La plus grande partie sur l’île d’Okinawa, à 600 km de Taïwan, que Pékin considère comme faisant partie de son territoire.
Les Etats-Unis encouragent par ailleurs le gouvernement japonais dans son renforcement militaire. “Les forces d’autodéfense japonaises sont l’une des armées les plus chères du monde. Et elle est l’un des meilleurs clients des Etats-Unis. Donc, bien entendu, les Etats-Unis ont tout intérêt à encourager le Japon à continuer à dépenser, surtout chez eux”, conclut Constance Sereni.
Le site de Géopolitis : https://www.rts.ch/emissions/geopolitis/
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