Droits de douane : le monde se couche devant Trump

-Et maintenant Bion, … – A.de Tarlé: Bonsoir. L’Europe a-t-elle échappé au pire
en matière de droits de douane? La scène était humiliante,
dimanche dernier, avec la présidente
de la Commission européenne convoquée
par le président américain dans son golf privé. Elle est sommée d’accepter
avec le sourire des droits de douane de 15 %
sur les produits européens. Quand on se compare, on se console,
car le Canada, pays frère des Etats-Unis,
se voit affublé de droits de douane à 35 %. La Suisse est à 39 %
et le Brésil écope de droits punitifs à 50 %. D.Trump est-il en train d’imposer
au monde la loi du plus fort? Peut-il ainsi restaurer
la grandeur de l’Amérique, puisque tel est l’objectif affiché? Dans ce monde carnivore,
pour reprendre l’expression en vogue,
l’Europe doit-elle repenser sa façon de fonctionner? C’est le sujet de cette émission. Pour répondre à vos questions,
nous accueillons J.-M.Daniel, économiste. I.Raymond, vous êtes cheffe
du service économique et social à franceinfo. E.Benezet, vous êtes journaliste
au service économie du “Parisien”. P.Mabille,
vous êtes directeur éditorial pour “La Tribune”
et “La Tribune Dimanche”. Merci de participer
à cette émission en direct. On va regarder la surprise
du chef Trump, les droits de douane. Le Brésil est à 50 %. La Suisse, 39. Le Canada, 35. Finalement, l’UE, avec 15 %,
s’en tire pas si mal. Les Anglais
ont encore mieux négocié, à 10 %. – J.-M.Daniel:
Ce qui est intéressant, c’est de voir
que la logique économique est dépassée. Le Brésil est puni
parce qu’on cherche des poux dans la tête de l’ancien président. – A.de Tarlé: Trump
est furieux contre lui. – J.-M.Daniel: Quand on regarde
la Suisse, on peut s’interroger sur les raisons pour laquelle elle est ainsi punie. Ca fait un moment
que les Etats-Unis accusent la Suisse de sous-évaluer
sa monnaie. Les Etats-Unis sortent aussi
un barème des devises en disant qu’il y a des monnaies
sous-évaluées, qu’il y a un taux de change
trop faible par rapport à ce qui devrait être. La Suisse est systématiquement
pointée du doigt, comme l’Allemagne et le Japon. – A.de Tarlé: Pour le Canada,
c’est parce qu’il veut reconnaître la Palestine. – J.-M.Daniel: Voilà. La Suisse, c’est aussi
parce qu’elle a réorganisé son armée sans faire appel
aux Etats-Unis. On va la punir. Le raisonnement de D.Trump
est autant politique qu’économique. 2e élément intéressant, c’est que les gens qui s’en tirent
le mieux sont ceux qui sont des alliés historiques
et traditionnels des Etats-Unis, ceux qui sont là depuis 45. C’est l’Europe, le Japon, la Corée
et, évidemment, l’allié privilégié, le Royaume-Uni. Là aussi, c’est très politique. Ca consiste à dire
qu’il y a des gentils, même s’il avait accusé l’Europe
d’être “unfair”. – A.de Tarlé: “L’Europe a été créée
pour entuber” les Etats-Unis.” – J.-M.Daniel: Il y a quand même
un raisonnement assez politique. Derrière tout ça, il y a
des corrections qui sont en train de se faire sur les taux de change
et les résultats économiques ne seront pas exactement
ce qu’attend D.Trump, aussi bien en termes d’évolution
du pouvoir d’achat de sa population qu’en termes d’évolution
du commerce international du fait de ces modifications. – A.de Tarlé: Quand on voit
la façon dont sont traités les autres alliés des Etats-Unis,
on ne réalise pas notre jugement? En début de semaine,
on était tous horrifiés par ces droits de douane
que nous avait infligés D.Trump. Finalement, quand on se compare,
on se console. – E.Benezet: C’est un peu
la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. On parle des chiffres
d’avant Trump. Les droits de douane,
c’était autour de 2 à 3 % entre l’Europe et les Etats-Unis. Depuis le Liberation Day,
c’est monté à 10 %. On était donc à environ 14 %. Là, on est à 15 %. Effectivement,
il y a à la fois ce taux… – A.de Tarlé: C’est unilatéral. Les Américains nous taxent, mais nous ne taxons pas
les Américains. C’est la méthode Trump. – E.Benezet: C’est la méthode
de réponse adoptée par l’UE en ce moment. Les choses peuvent encore bouger. E.Macron s’est exprimé en disant
que cette histoire était loin d’être finie. Il y a encore des négociations. Ca va être les négociations
des petits caractères du contrat. Aujourd’hui, les exemptions
qui pourraient être faites… Il y a encore des interrogations
sur les spiritueux, les produits pharmaceutiques,
le vin… Soit on compare
avec ce qu’on payait avant, ce qui était taxé avant,
soit on compare par rapport aux autres pays. C’est vrai que là,
c’est une donnée importante. Si on part vendre
des produits aux Etats-Unis, qui sont taxés à 15 %
et qui sont concurrentiels de mêmes produits qui arrivent
aux Etats-Unis d’autres pays taxés à 20 %, on est gagnants. Si c’est le Royaume-Uni,
on est perdants. Il va y avoir tout un jeu. C’est ce qui fait qu’on est
à la fois perdants sur l’ancien monde,
pour l’instant… Toutes ces cartes
vont être rebattues. On est aussi moins perdants
par rapport à d’autres pays
qui sont plus lourdement taxés, comme la Chine. – A.de Tarlé: Mais les négociations
sont toujours en cours avec la Chine. Il n’y a pas encore eu de deal. – E.Benezet: Parce que la Chine
répond très durement. Il y a ça aussi. En fonction des réponses,
il y a un jeu. C’est exactement ce que l’UE
a voulu éviter, un emballement et une politique du pire. – A.de Tarlé: Au prix
d’une humiliation… Ce dimanche,
on a vu U.von der Leyen être convoquée par D.Trump. Elle était assise à côté de lui. Commentaire de T.Breton hier:
“On s’est sentis tous humiliés.” Voici aussi la une
de “La Marseillaise” de ce matin. Elle parle
d’une “Europe vassalisée”. – P.Mabille: Oui. Les politiques européens
sont humiliés, mais les entreprises sont soulagées. On craignait 30 %. Il ne faut pas l’oublier. Il y a aussi
cet élément de stabilité. On sait à quoi s’en tenir. Ce n’est pas vraiment un accord,
ce n’est pas fini. Il reste des points
qui vont être discutés. C’est l’UE qui négocie
pour l’ensemble des 27. Il n’y a pas eu
des consensus partout, notamment pour l’Allemagne et l’Italie,
qui sont des pays beaucoup plus industrialisés que nous. Les 30 % auraient été
une catastrophe en particulier pour l’industrie automobile
allemande. La France est un peu moins exposée,
à part sur les vins et spiritueux, d’où le cri d’E.Macron. Dernier point à ajouter… Il y a un sujet sur lequel
la France insistait et qui va peut-être
revenir sur la table dans les mois qui viennent: le numérique. Trump n’a pas complètement tort. Il y a un déficit commercial. Peut-être que les voitures
américaines ne sont pas super intéressantes à acheter
ou à conduire. – A.de Tarlé: Nous,
tous nos réseaux sociaux sont américains. Aux Etats-Unis, il n’y a rien
d’européen. – P.Mabille: Il y a aussi
un parallélisme dans le numérique, dans les services,
avec une vraie dépendance. On a vu que Microsoft
était la 2e entreprise américaine à atteindre plus de 4000 milliards
de capitalisation boursière avec Nvidia. C’est assez difficile de savoir
comment on peut traiter cette question. On ne peut pas se passer
de ces services américains. Il y a un levier
au travers de ce déficit. Comment on va le traiter? – A.de Tarlé: “Vous tapez
sur nos entreprises, on va taper sur vos géants du numérique.” – P.Mabille: Peut-être, mais avec
une certaine circonspection. Sinon, on l’aurait déjà fait. On est extrêmement dépendants
du cloud, des data centers. On est trop faibles. C’est ce qu’a dit E.Macron. Le 12 août, il y aura
le prochain rendez-vous de la Chine. Elle a menacé de priver d’accès
aux terres rares les Américains. Nous, on a encore des leviers,
notamment sur le numérique. – A.de Tarlé: Question. C’est vrai que tout le monde
est tombé sur U.von der Leyen lundi, mais qu’aurait-elle
pu faire? – I.Raymond: Elle ne pouvait pas
faire grand-chose, effectivement. Elle a essayé de défendre
les grands secteurs européens. On a quand même une exemption
sur l’aéronautique. C’est un grand ouf de soulagement. C’est très important
dans notre balance commerciale. On a évité le pire
pour l’automobile. Depuis avril, on avait des taxes
à 27,5 % sur l’automobile. On revient à 15 %. Finalement,
on ne s’en sort pas si mal. Maintenant,
il va s’agir de négocier sur les secteurs
les plus importants. Ceux qui vont s’en sortir le mieux, ce sont ceux qui peuvent rogner
sur leurs marges ou le luxe. Si on a un sac qui coûte plusieurs milliers d’euros,
s’il coûte 10, 15 ou 20 euros de plus, la cliente américaine de la Cinquième Avenue
va quand même l’acheter. La question,
c’est qui ça va impacter. Ca va impacter les entreprises
qui font moins de marges, celles qui ne peuvent pas,
si elles augmentent leurs prix, être concurrentielles
sur le marché américain. C’est les vins et spiritueux,
notamment. Il y a aussi le lait,
les produits agricoles, qui sont très importants
pour la France. Quand on appelle les douanes… J’ai appelé les douanes
avant de venir sur ce plateau. Pour l’instant, il n’y a rien. D.Trump dit: “On vous donne
une semaine pour que ça entre en service.” Déjà, c’est repoussé. Les droits de douane
disent qu’ils n’ont rien, aujourd’hui. Ils ne savent pas quels seront
les produits concernés. Il y a aussi le secteur
de la chimie, notamment les médicaments,
qui pèse très lourd. Ils ne savent pas
s’ils seront exemptés ou pas, aujourd’hui. Est-ce que cette semaine va être
pour pouvoir négocier les exemptions? On sait que le mois d’août
est un mois où il n’y a pas d’échanges commerciaux,
donc ça repousse plutôt la séquence. Ce que disait aussi J.-N.Barrot
ce matin, c’est qu’on allait voir si les Etats allaient ratifier. Derrière, il y a quand même
le Conseil européen qui va se tenir à l’automne. En l’état, cette négociation
menée par U.von der Leyen… Est-ce que les Etats
vont être d’accord, la valider? Ca dépend Des exemptions,
de ce qui est négocié. On dit “négocier”,
mais c’est des mesures prises de façon unilatérale par D.Trump. – A.de Tarlé: D.Trump
a donc signé hier le décret instaurant de nouveaux droits
de douane à des dizaines de pays. Cette offensive protectionniste
inédite vient rebattre les cartes du commerce international. – Sur les télés américaines,
un compte à rebours toute la journée d’hier. – Nous sommes à quelques heures
de l’échéance sur les droits de douane. – Le président commencera à dire
aux pays où ils en sont à minuit. – Au même moment,
à la Maison-Blanche, entouré de ses conseillers, D.Trump signe
le fameux décret. Habituelle distribution de stylos
dans un style décontracté. Le président vient pourtant
de bousculer l’économie de 69 partenaires commerciaux
des Etats-Unis. Ces nouvelles taxes douanières
qui entreront en vigueur le 7 août varient de 10 à 41 %
selon les pays. Trump vante la grandeur retrouvée
de l’Amérique. – D.Trump: Nos opposants
affirmaient que les droits de douane
nuiraient à l’économie, mais c’est exactement le contraire
qui se produit. Le Trésor américain a encaissé
150 milliards de dollars grâce aux droits de douane, et en encaissera davantage
pour atteindre des montants sans précédent. C’est véritablement l’aube
de l’âge d’or de l’Amérique que nous vivons. – Pour l’UE, la confirmation
de taxes à 15 % au lieu des 30 % initialement annoncés… Selon l’accord conclu
entre D.Trump et U.von der Leyen, les équipements aéronautiques
seront épargnés. Certains produits agricoles
devraient aussi échapper aux nouvelles taxes. Pas d’exception, en revanche,
pour les vins et spiritueux. Les professionnels du secteur
devront attendre de nouvelles négociations
dans les mois qui viennent pour espérer changer la donne. Une situation qui, sans surprise,
déplaît au président français. E.Macron refuse toute fatalité. … En sous-texte aussi, une critique
envers l’UE, qui n’aurait pas été assez ferme. – F.Bayrou: Toutes les autorités
françaises, et en particulier le président de la République, ont été celles qui se sont battues
le plus contre des concessions qu’on considérait comme excessives. Est-ce que nous avons été
un peu seuls? Oui. – Pourtant, comparé à certains
de ses voisins, force est de constater
que l’Europe s’en sort bien. Les tensions avec le Canada
sont au plus haut depuis le retour de D.Trump au pouvoir. Ottawa se voit imposer
35 % de droits de douane. Une décision très politique
quelques jours après que le pays a annoncé son intention
de reconnaître l’Etat de Palestine. Le président américain
reproche aussi à son voisin de ne pas en faire assez
contre le trafic de fentanyl et les flux migratoires,
mais pas seulement. – D.Trump: Ils doivent payer
le prix juste, c’est tout. C’est très simple. Ils ont imposé
des droits de douane très élevés à nos agriculteurs. Certains dépassent 200 %. Ils ont été très mal. Ils ont maltraité notre pays
pendant des années. – Se disant déçu,
le Premier ministre canadien a annoncé ce matin un nouveau cap
pour l’économie de son pays. Autre perdant de taille
de cette nouvelle donne mondiale, la Suisse, surtaxée à 39 % sur ses produits. Un coup de massue
pour les autorités helvétiques. … Un président qui a fait
des droits de douane une arme également utilisée
à des fins géopolitiques. L’Inde est taxée à 25 %. Elle paie le prix de ses achats
de pétrole à la Russie. La Chine est pour l’instant
préservée, avec un objectif: bâtir un accord économique
pour éloigner le pays de V.Poutine. D.Trump est sur tous les fronts. Réussira-t-il son pari? – A.de Tarlé: P.Mabille, question. C’est vrai que les pays de l’UE
sont très différents. L’Allemagne, par exemple,
exporte énormément aux Etats-Unis, 161 milliards d’euros. La France, c’est 3 fois moins,
47 milliards d’euros. Des pays sont plus exposés
au marché américain. – P.Mabille: On ne sait
pas très bien dans quelle mesure le mandat qui a été donné
à U.von der Leyen a été très clair. Ce qu’on sait,
c’est que c’est elle qui, au nom de l’Union, négocie. On est dans une union douanière
et c’est la Commission qui doit faire des propositions. Evidemment, il y a eu
des discussions. On n’en a pas tout le détail. Ce qui a été dit,
c’est qu’il y avait des désaccords au sein du Conseil. Si le Conseil avait été unanime,
la position de fermeté exprimée par E.Macron
aurait été unanime. Visiblement, il y a des pays,
pour des raisons qui leur sont propres… L’Allemagne et l’Italie
sont des pays industriels qui exportent beaucoup. Ce qui est en train de se passer,
c’est peut-être la fin d’une certaine forme d’Europe
exportatrice, d’une vision mercantile… La Chine connaît un peu
ce même type de changement. Le Canada dit qu’il va se recentrer
sur lui-même. Est-ce que le commerce mondial peut continuer
tel qu’il a fonctionné au cours des années
de mondialisation heureuse, où l’Europe, notamment
l’Allemagne et l’Italie, qui avaient fondé leur croissance sur l’exportation,
sur une énergie peu chère venue de Russie,
peut encore fonctionner dans le monde de Trump? Visiblement, ce n’est plus le cas. Il y a aussi les 750 milliards
d’achat de pétrole et de gaz américains
qui vont être imposés à l’Europe. Evidemment, ça va complètement
a contrario de toute la politique de décarbonation. – A.de Tarlé: D.Trump a dit
aux Allemands: “Si vous voulez vendre
des Volkswagen aux Etats-Unis, vous les fabriquez aux Etats-Unis. Si vous voulez vendre
des sacs Vuitton aux New-Yorkais, vous les fabriquez au Texas.” Les entreprises européennes
vont finir par comprendre le message et mettre leurs usines
dans les pays où elles vendent leurs produits. – E.Benezet:
L’un des grands objectifs de D.Trump, c’est ça, de ramener
des usines et de la production aux Etats-Unis. Le pays est largement
désindustrialisé par rapport à il y a quelques décennies. La France n’est pas la seule
dans ce cas. L’un des objectifs des Etats-Unis,
c’est de ramener de la production. “Si vous ne voulez pas payer
de droits de douane, vous venez produire
aux Etats-Unis.” Ce n’est pas si simple. On parlait de l’exposition
de certains pays. Il y a aussi une exposition
des entreprises. Plus les entreprises sont petites,
plus c’est compliqué d’aller s’installer ailleurs. Il y a des accompagnements. J’ai interrogé ce week-end
des entreprises normandes. Aujourd’hui,
elles sont très accompagnées, y compris les petites structures
d’une dizaine de salariés, pour partir produire
aux Etats-Unis. Quand vous êtes là-bas,
vous ne travaillez pas qu’avec des produits américains. Vous devez parfois faire venir
des intrants ou des matières premières
d’autres pays. Ces produits seront taxés. Ce n’est pas si simple que ça. C’est aussi un jeu dangereux
pour D.Trump. Dans les années 80,
c’est ce qui s’est passé. Un accord a été passé avec le Japon
dans l’industrie automobile pour limiter les ventes
de voitures. C’était 2,3 millions
de voitures japonaises vendues sur le sol américain. C’était un peu
comme les droits de douane. On limite les importations. – A.de Tarlé: Et les Japonais
ont mis les usines aux Etats-Unis? – E.Benezet: Voilà. En 1982, Honda est arrivée. Ensuite, il y a eu Mitsubishi
et toutes les autres grandes marques japonaises. Les Japonais se sont adaptés
au marché américain, ont proposé aux Américains
des voitures compétitives, et ça a été le début de la fin
pour l’industrie automobile américaine. Il y a d’autres secteurs
à qui ça pourrait arriver. Il pourrait y avoir des contrecoups
que D.Trump n’a pas encore en tête. – A.de Tarlé: Les Allemands,
c’était le triomphe des voitures. On fabrique en Bavière des BMW
et on les vend aux quatre coins du monde. Ce n’est pas
du tout notre modèle français. Nous, on a notre CAC 40. On produit là où on vend. C’est plus le modèle français. – J.-M.Daniel:
Mais le modèle français est déficitaire. Le modèle allemand dégage
des excédents. Au final, quand vous regardez
la balance des paiements, quand on rajoute le tourisme
et les revenus des placements… Quand vous regardez le Japon,
par exemple, il a exactement le même déficit commercial
que la France, à peu près 4 milliards de dollars
de déficit commercial. C’est sur les biens
qui sont échangés et qui vont se retrouver taxés
par des droits de douane. Mais le Japon dégage
des excédents extérieurs. Les placements
qu’ils ont effectués, notamment aux Etats-Unis,
leur permettent de récupérer des revenus. – A.de Tarlé: Toutes ces usines
installées au Texas font des bénéfices
qui vont au Japon. – J.-M.Daniel: Et qui paient
les retraites des Japonais. Le ministre des Finances américain
a dit: “D.Trump a raison, mais le Japon
n’est pas aussi dangereux qu’on pourrait le penser
par son commerce, parce que le Japon
a un déficit commercial.” Simplement, les 84 milliards
de dollars du déficit commercial du Japon sont compensés par le fait qu’ils ont fait
un chèque pour la Banque centrale du Japon de 84 milliards
de dollars. C’est les intérêts que gagne
le Japon sur sa dette publique. Les Etats-Unis perdent
progressivement leur souveraineté. Il faut d’abord trouver
de la main-d’oeuvre aux Etats-Unis. LVMH est en train de dire
qu’ils ne trouvent pas de main-d’oeuvre
suffisamment qualifiée. Le peu de main-d’oeuvre
qu’il y avait, c’était les Mexicains,
que les Américains sont en train de mettre dehors. Une fois qu’on a vendu
des produits fabriqués aux Etats-Unis, les dividendes,
on les rapatrie en France. Faire venir des gens
qui investissent chez vous… Il arrive un moment où les gens
qui investissent réclament le retour de leur investissement. Ce qu’il y a de frappant
dans la situation des comptes extérieurs
des Etats-Unis, c’est que pendant longtemps… J’ai connu l’époque où on parlait
du défi américain, du fait que les Américains
achetaient l’Europe en investissant en Europe. Le défi américain
était que l’ouvrier français, allemand… – A.de Tarlé: Là,
ça va être le contraire. C’est eux qui vont travailler
pour LVMH et Sanofi. – J.-M.Daniel: Pour payer
les retraites des Allemands et des Italiens. Ce qu’il y a d’intéressant,
c’est que D.Trump a dit que grâce à ces droits de douane,
le Trésor public allait récupérer… Il a annoncé des chiffres… Il a parlé de 200 milliards. En réalité,
c’est plutôt 80 milliards. Le Trésor américain,
c’est les consommateurs américains qui vont payer. Ce n’est pas les Suisses,
les Français qui vont payer. A un moment donné,
le consommateur américain paye. Renault a annoncé
qu’il allait racheter l’usine Nissan en Inde. On lui a demandé pourquoi
il n’allait pas investir aux Etats-Unis. Renault a répondu que l’avenir,
c’était l’Inde. Un des moyens de contourner aussi
D.Trump, c’est d’aller ailleurs. Nos partenaires européens,
notamment les Espagnols, se sont beaucoup prononcés
sur la position de la France en disant que c’était un peu
l’arroseur arrosé. A l’automne dernier,
on ne voulait pas signer le Mercosur
parce que ça allait nous faire une concurrence déloyale,
et maintenant, on hurle face aux Américains. Si on est protectionnistes
vis-à-vis du Mercosur, il n’est pas totalement aberrant que les gens
nous renvoient la balle en disant qu’on est protectionnistes
et qu’ils vont l’être aussi. – A.de Tarlé: Question. Le “Jour de la libération”,
il y avait un ouvrier américain la larme à l’oeil en disant
qu’il y avait des tas d’usines dans la région
de l’Ohio et qu’elles avaient toutes fermé. Trump veut pouvoir dire que LVMH
va ouvrir des usines aux Etats-Unis. – I.Raymond: Et il dit aussi
qu’il ne veut pas fabriquer des sacs Gucci au Texas,
qu’il n’en voit pas l’intérêt. Ils veulent montrer que ça vaut
le coup d’investir aux Etats-Unis. On a vu R.Saadé dans le bureau
de D.Trump, PDG de CMA CGM. Vous avez des annonces
d’investissements. Vous en avez d’autres qui se disent
que ça reste compliqué parce qu’on n’est pas sûrs
de trouver de la main-d’oeuvre qualifiée. Du jour au lendemain, les personnes
que vous voulez faire travailler ne vont plus avoir
leur visa de travail et vont se faire renvoyer. Vous avez une politique
complètement erratique sur le changement climatique. Vous ne savez pas si la politique
de l’AIEA… C’était aussi
de grosses subventions, ça. Des permis ont été accordés. On n’est pas sûrs que ça va durer. Il y a une imprévisibilité. Il y a aussi la politique woke. On n’a pas le droit d’embaucher
qui on veut. On est prévenus
depuis plusieurs mois, depuis début avril. Les entreprises françaises
se disent que ce qu’il faut, c’est être compétitif. Il faut être compétitif en Europe. Ca reste un marché
de 450 millions d’habitants. Il faut continuer à être fort
en Europe. Il faut aller voir ailleurs,
aller chercher de nouveaux marchés. Il faut être suffisamment
fort et compétitif pour aller voir ailleurs. On ne sera pas les seuls. Ce qu’ils sont allés demander
à Bercy mercredi, les chefs d’entreprise,
c’est moins de paperasse, plus de compétitivité,
pas de taxes supplémentaires dans le budget 2026
pour pouvoir, demain, aller en Inde, en Chine,
en Amérique du Sud pour conquérir de nouveaux marchés. La remarque d’E.Macron,
qui leur avait demandé de faire du patriotisme… Vous vous souvenez
quand on avait vu R.Saadé dans le bureau de D.Trump… Il disait que ce n’était pas ça,
le patriotisme. Le patriotisme, c’était justement
de se dire que les Etats-Unis seraient plus compliqués demain, qu’il fallait se diversifier
sans se refermer sur nous-mêmes. C’est aussi ça,
le désespoir français. On se dit que c’est difficile
d’aller à l’étranger et d’exporter. Il n’y a que les grands groupes
qui exportent, d’ailleurs. On a très peu de PME qui exportent. Aujourd’hui, il faut plutôt
renforcer l’appareil productif français pour être plus compétitifs
à l’international. – A.de Tarlé: Question. Dans ce sentiment d’humiliation
qu’on a tous senti dimanche soir, D.Trump a dit: “Maintenant,
tous les produits européens vont être taxés à 15 %.” On aurait pu dire: “Très bien,
tous les produits américains vont être taxés à 15 %.” On ne l’a pas dit. – E.Benezet: Aujourd’hui,
on applique la politique de “on a évité le pire”. – A.de Tarlé: “On s’est habitués
à la 1re baffe et on accepte la 2e.” – E.Benezet: Quand vous êtes
face à un adversaire violent, soit vous répondez de façon
aussi violente… Aujourd’hui, on n’a pas les moyens. L’Europe a manqué de coordination,
d’unité. Elle n’a pas réussi à parler
d’une seule voix. Ca l’a énormément affaiblie. Il y a aussi les 450 millions
d’habitants à fort pouvoir d’achat en Europe,
le fameux marché européen, le 1er au monde, qu’on n’arrive
pas suffisamment à valoriser pour dire:
“Dans ce cas, on va se passer de vous. Vous voulez nous imposer
à 30 %? Allez-y.” On a parlé des différents marchés
comme le Brésil, la Chine ou l’Inde. Il y a le marché européen,
aujourd’hui. P.Martin, le patron du Medef,
sur franceinfo, mardi matin, expliquait que des mesures
protectionnistes à l’intérieur de l’Europe
équivalaient à des droits de douane de 44 %. – A.de Tarlé: C’est un faux marché? – E.Benezet: Ce sont des mesures
protectionnistes qui font que quand vous vendez à l’intérieur de l’Europe,
il y a des tracasseries administratives et des coûts
qui équivalent à 44 % de droits de douane. Aujourd’hui, on est là,
à parler de 15 % en plus qui renchérissent les prix
aux Etats-Unis et qui nous amènent plutôt à une augmentation de 30 %
de nos produits… A côté de ça, on a une Europe
qui a du mal à unifier son marché. Trump le sait très bien. Pour l’instant, le rapport de force
est déséquilibré. – J.-M.Daniel: Je voudrais ajouter
une chose. D’abord, les droits de douane,
c’est d’abord les consommateurs du pays. Un certain nombre de pays en Europe
se disent qu’ils ne vont pas faire des droits de douane
sur les produits qui arrivent des Etats-Unis
parce que ça va relancer l’inflation et pénaliser
le pouvoir d’achat des Européens. Le 2e élément… Qu’est-ce qu’un produit américain
et qu’est-ce qu’un produit européen? – A.de Tarlé: Le fameux stylo. La gomme vient de Malaisie,
le bois du Canada… – J.-M.Daniel: Voilà. Le graphite vient
de Tchécoslovaquie. Il faut mettre des droits de douane
parce que la Tchécoslovaquie est un pays communiste, à l’époque. Friedman rappelle que le bois
est canadien, l’aluminium américain,
la gomme brésilienne… Là, c’est pareil. C’est pour ça que les vins
et spiritueux sont en première ligne. Du cognac, ça doit venir de Cognac. Nous, on a attaqué
de façon symétrique le bourbon du Tennessee
parce qu’il doit venir forcément du Tennessee. Dans une voiture… Qu’est-ce qu’une voiture
européenne? La Mercedes qui circule
sur Park Avenue, en quoi est-ce qu’elle est allemande? Elle a été assemblée en Allemagne,
mais les composants viennent de beaucoup de pays
qui ne sont pas l’Allemagne et qui ne sont même pas européens. L’Europe n’est pas dans la même
situation que les Etats-Unis. Les Etats-Unis,
c’est 1000 milliards de déficit dans la balance
des paiements courants en ce moment. C’est un pays qui vit largement
au-dessus de ses moyens. Il faut qu’il consomme moins. Une façon de faire consommer moins
les Américains, c’est de taxer les produits
en disant qu’ils croient être punis,
mais ceux qui sont punis, c’est les méchants,
ceux qui ne sont pas américains. Les Etats-Unis,
c’est le grand rival de la Chine sur le plan du commerce. C’est surtout grâce aux Allemands,
aux Italiens et aux Espagnols. – A.de Tarlé: Certains pourraient
tirer leur épingle du jeu là-dedans. Nos reporters ont rencontré
le patron de Back Market, une start-up française
qui redonne vie à vos vieux téléphones. – Dans cet atelier,
on fait du neuf avec du vieux. Téléphones, ordinateurs
et même aspirateurs… Tout est désossé pour être réparé. – Là, vous avez un MacBook démonté. On peut voir le système
à l’intérieur, les ventilateurs… Tout est super propre. Les batteries sont d’origine. – L’économie circulaire,
la spécialité de cette start-up française
qui pourrait bien tirer profit de la guerre commerciale. Back Market, spécialiste
de la vente d’appareils technologiques
reconditionnés, a vu ses ventes tripler aux Etats-Unis
dans les semaines qui ont suivi les 1res annonces de D.Trump
en avril dernier. – Ce que Trump dit fait énormément
monter les prix des produits qui viennent des Etats-Unis. Enormément de ces produits
sont produits en Asie. Mécaniquement, ces produits
vont coûter beaucoup plus cher pour les Américains. Les Américains n’ont jamais eu
autant de raisons d’acheter des produits
qui sont déjà sur le territoire. Ce sont des entreprises basées
sur le territoire qui vont avoir la capacité de changer
les pièces usées, les batteries, les écrans, pour les remettre
à disposition et que le consommateur américain
achète ce produit. – De nouvelles habitudes
de consommation, un repli sur le marché américain
qui pousse aussi les entreprises à revoir
leur chaîne d’approvisionnement. – Ce que ça veut dire
pour les entreprises, c’est aussi qu’il faut se réinventer,
qu’on ne peut plus passer des commandes en Chine aujourd’hui
comme on les passait hier. C’est beaucoup plus cher. On ne peut pas juste appeler
le même fournisseur, qui est probablement en Asie,
en essayant de lui faire baisser ses tarifs. C’est un tarif
qui est mis en danger plus que jamais. Ca ne va pas aller en s’arrangeant,
a priori. – Un nouvel ordre du commerce
international qui pourrait bien donner
l’occasion à l’Europe de prendre sa revanche. – L’Europe a déjà pris
un train d’avance dans l’économie circulaire
en investissant dans les filières de reconditionnement. Là, on crée de la valeur en Europe. L’économie circulaire
sort de chez nous, de nos appartements,
de nos tiroirs, de nos maisons, de nos garages pour être réutilisée
et revendue à un consommateur qui reste sur le même territoire. La valeur reste dans le territoire. – Ironie du sort, selon le PDG,
la position des droits de douane américains
pourrait bien avoir un effet inattendu sur l’environnement. – On peut dire que ce que Trump
est en train de faire, même si on peut douter que ce soit
pour l’écologie qu’il ait pris cette décision,
ça sert l’écologie. Ca pousse les consommateurs
américains à penser à préserver leur pouvoir d’achat. Préserver son pouvoir d’achat,
c’est acheter local, reconditionné, réparer ce qu’on a déjà… Les intérêts des entreprises,
des consommateurs et de l’écologie sont alignés et n’ont jamais été
autant alignés. – Acheter local, une tendance
qui devrait s’amplifier aux Etats-Unis. Dès le 29 août, tous les petits
colis entrant sur le sol américain seront taxés. – A.de Tarlé: E.Benezet,
on réagissait justement… Aux Etats-Unis,
on achète des babioles qui viennent de Chine
pour quelques euros. Maintenant, D.Trump taxe
tous ces petits colis venus de Chine. C’est la fin
de cette mondialisation totalement débridée
qu’on a toujours en Europe? – E.Benezet: Il est allé
bien plus loin. J’ai envie de poser la question,
de façon un peu provocante: est-ce que Trump n’est pas
le plus grand défenseur de l’environnement aujourd’hui? – A.de Tarlé: En mettant fin
à cette mondialisation qui fait qu’un stylo fait 3 fois
le tour de la Terre avant d’arriver? – E.Benezet: Avec
toutes les émissions de CO2 que ça pouvait rejeter
dans l’atmosphère. Aujourd’hui, on est
dans un nouvel ordre mondial qui ne fait que commencer
à se dessiner. On n’en est qu’au début. Avec tout le respect
que sa fonction impose, il a un peu le rôle de bouffon du roi. Le roi serait le capitalisme
tel qu’il s’est développé depuis la Seconde Guerre mondiale
et aujourd’hui, il pousse tous les autres pays,
Europe y compris, à se poser des questions
et à inventer un nouveau modèle,
avec un protectionnisme accru. Donc les questions
de produire chez soi… On cherche à réindustrialiser
la France et pour l’instant, on n’y arrive pas. Je parlais de 10 % de la part
de l’industrie dans le PIB français,
dans la croissance française. Donc relocaliser et revenir
à des circuits plus courts, des entreprises l’ont fait
depuis longtemps en France. Cela fait déjà 20 ans que certaines essayent de produire
au plus près des marchés où elles vendent. A court terme, ça a souvent
des coûts supplémentaires. Mais à long terme, ça permet
de se protéger par rapport à des revirements
de situations géopolitiques et économiques mondiales. C’est en train de donner
des leçons, ou en tout cas des enseignements
au “nouvel ordre mondial” dans les échanges économiques. – A.de Tarlé: On a parlé
d’une mondialisation débridée. Est-ce qu’on n’est pas
à un point d’inflexion? On assisterait à une
rerégionalisation de nos échanges? – P.Mabille: On ne sait pas
à quelle vitesse ça peut se faire, mais ça peut se faire assez vite. Par exemple, pour fabriquer
des freins carbone en France, alors qu’il y avait
plusieurs alternatives au Québec, ce qu’on cherchait,
c’était de l’énergie décarbonée à un prix prévisible. Visiblement, EDF a proposé un prix,
quelque chose comme 55 euros du kilowattheure. C’était sur un contrat
de long terme, qui a permis à cette entreprise de prévoir
un investissement important qui va créer des emplois
dans l’Ain. L.Wauquiez était très content. C’est peut-être aussi la réponse
au problème du climat. On cherche tous des solutions
avec le réchauffement climatique. Peut-être que Trump,
même s’il est peu probable que ce soit son objectif premier,
qui est de créer des emplois aux Etats-Unis,
va causer une réorganisation du commerce mondial. Ce ne sera pas forcément très bon
pour les transporteurs. On sait que le commerce
est très cyclique, notamment maritime et par avion. Ca va peut-être avoir des effets
sur ces secteurs. Mais ça peut aussi avoir
un effet sur le consommateur, un changement de comportement. Auparavant, on voulait des produits
qui venaient de Chine, pour aller vite. Là, le t-shirt made in France
va coûter un peu plus cher, mais pourquoi pas
viser aussi la qualité, le recyclage? C’est une économie nouvelle,
créatrice d’emplois et localisée. C’est peut-être le bon
qui pourrait sortir de cette période un peu troublée
que nous traversons. On n’en est pas à dire
merci à Trump, mais on peut reconnaître
que dans la façon de poser la problématique,
il nous oblige à nous réinventer. – J.-M.Daniel: Trump est d’abord
pour la consommation de pétrole. Les objectifs environnementaux
sont véritablement à l’opposé… – A.de Tarlé: C’est pour ça
que c’est à son fort défendant. – J.-M.Daniel: On est plutôt,
au niveau mondial, dans une période où il y a trop de pétrole. Les prix s’effondrent. Il y avait un engagement de l’Opep
pour tout faire pour maintenir le prix à 70 dollars le baril. En avril, ils ont renoncé. Trump veut absolument
écouler du pétrole qui est en excès sur le marché. Il y a aussi les évolutions
démographiques. Les vieux
ne sont plus au même endroit que les jeunes. On a l’exemple du Japon,
dont je parlais tout à l’heure. Il exporte de moins en moins
car il produit de moins en moins. Et il produit de moins en moins
car le Japon a de moins en moins de personnes à mettre
dans les usines. L’Espagne vient de dépasser
le Japon en termes de production matérielle. Les usines japonaises
ferment les unes après les autres, faute de main-d’oeuvre. Mais le Japon s’en tire très bien
car il est propriétaire d’usines en Malaisie, en Inde,
dans des endroits où il y a des jeunes. L’enjeu est donc de localiser
dans les endroits où il y a des jeunes. – A.de Tarlé: C’est pour ça
que vous vous réjouissez que Renault ait racheté
l’usine Nissan en Inde? – J.-M.Daniel: Exactement. L’enjeu mondial, maintenant,
c’est d’être dans les endroits où il va y avoir de la croissance. – A.de Tarlé: Donc l’Inde
et l’Afrique? Vers ces pays-là. – A.de Tarlé: Question. Hier, T.Breton disait ceci. C’est vrai que le vin français
est maintenant plus cher à New York. L’université de Yale a calculé
que pour une famille, ces droits de douane allaient coûter
plus de 2000 euros par an. 2100 euros par an. – I.Raymond: Les produits achetés
par les Américains viennent du monde entier. On parlait de l’iPhone
tout à l’heure, il n’est pas produit
aux Etats-Unis. Il est taxé. Ce sont des Américains
qui vont en premier payer la taxe, les consommateurs,
avec une hausse de l’inflation. Le dindon de la farce, ça peut
devenir le consommateur américain. Est-ce qu’on veut le forcer
en attendant à consommer moins? C’est une société fondée
sur la surconsommation. Le risque, c’est que demain,
ce soit le consommateur américain qui paye les frais de la hausse
des droits de douane mise en place par D.Trump. – A.de Tarlé: Il avait dit
que les petites filles américaines n’avaient peut-être pas besoin
de 30 poupées à Noël, que 2 suffisaient… Sous-entendu: “Vous aurez
2 poupées américaines plutôt que 30 poupées chinoises
et ce sera bien mieux.” – E.Benezet: Il exagère,
mais c’est ce qui explique en partie la réaction de l’Europe. On parlait des risques
inflationnistes. L’Europe avait certainement
ça en tête et voulait essayer d’éviter une escalade
des droits de douane. – A.de Tarlé: Même si on met
des droits douane sur les produits américains,
ça veut dire qu’on les paiera plus cher? – E.Benezet: Oui, il arrivera
exactement la même chose. Pour l’instant, on a l’impression
que le ménage américain n’est pas encore
complètement conscient… Pour l’instant, il paye
mais il ne voit pas encore les répercussions de l’inflation
sur les prix. – A.de Tarlé: C’est énorme,
2000 euros par an… – P.Mabille: Il va recycler
l’excédent tiré de ces droits de douane
dans des baisses d’impôts. Il y a un bouclage économique
qui n’est pas encore démontré. – E.Benezet: Il a remporté
les élections en partie sur la lutte contre l’inflation. Il ne faudrait pas
que ça lui revienne en boomerang. – I.Raymond: Sachant que la Fed
ne joue pas le jeu de D.Trump. Elle n’a pas voulu
baisser ses taux. Les dernières déclarations
disaient que Trump était stupide. – J.-M.Daniel: Sur l’inflation
aux Etats-Unis… Elle est en train d’augmenter. Elle était à 2,4 %
et elle est à 2,6 %. La seule réaction de D.Trump,
c’est de traiter le Banquier central d’imbécile. Il en est au stade de se demander
qui l’a nommé là… C’est lui! Il critique sa politique
mais aussi sa personne, alors que c’est lui qui l’a nommé. – A.de Tarlé: On voyait
le Premier ministre canadien totalement embarrassé
par l’attitude du frère américain… Le Canada et les Etats-Unis
sont 2 pays frères. Question. – P.Mabille: On a l’impression
qu’ils se comportent un peu comme une pétromonarchie militaire
numérique, qui impose ses excédents de production d’énergie fossile
au monde entier, notamment dans la course à l’IA… – A.de Tarlé: Mais humilier ainsi
son plus proche partenaire, qui est le Canada… – P.Mabille: Ce sont
des comportements d’empire, en fait. C’est une vision du monde
assez féodale. Que ce soit l’Europe, le Canada
ou les principaux alliés, ils sont assez maltraités
par D.Trump parce qu’il se sent beaucoup plus fort. Il a le sentiment
qu’on est dépendants des Etats-Unis pour énormément de choses. On n’a pas tellement de mesures
de rétorsion à apporter. On ne peut pas se passer
du numérique américain. Sauf à supposer que le gaz russe
revienne en Europe, ce qui n’est pas prévu de sitôt, on voit qu’aujourd’hui, il profite de cette situation
pour nous inonder de pétrole et de gaz. Ca va être un vrai problème. – A.de Tarlé: Comme le disait
A.Pannier-Runacher… – P.Mabille: C’est le jour
de la dépendance vis-à-vis des Etats-Unis
qu’on est en train de vivre, pas le Jour de la libération. – E.Benezet: Ce n’est pas l’Europe,
ce ne sont pas les Etats, ce sont les entreprises. En France, c’est Engie,
EDF, TotalEnergies… EDF vient d’ailleurs d’annoncer
sa volonté de se désengager du marché américain. Le 2e effet Kiss Cool,
comme on dit, c’est sans doute qu’au-delà de la réelle économie,
beaucoup d’entreprises risquent de ne plus avoir envie
d’investir aux Etats-Unis, pour des raisons d’énergie,
si elle est décarbonée. Si on réussit à faire de l’énergie
pas trop chère sans acheter du pétrole aux Etats-Unis,
on n’a pas les moyens de la consommer et les Américains
n’ont pas les moyens de la produire. Donc les 750 milliards aujourd’hui,
ça ne veut pas dire grand-chose. Mais les Etats-Unis
abîment leur image et les autres pays se détournent
du marché américain pour conquérir d’autres marchés. – A.de Tarlé: Le pire
a peut-être été évité pour l’UE mais plusieurs secteurs industriels voient déjà leur horizon
s’assombrir. En première ligne,
l’automobile allemande mais aussi le luxe français. – C’était il y a 6 ans:
le premier mandat de Trump. L’expansion et l’ambition
américaines du patron de LVMH à l’époque
est déjà saluée par le président des Etats-Unis. Il est venu en personne inaugurer
l’atelier américain de Louis Vuitton au Texas et dire
tout le bien qu’il pense de celui qu’il appelle Bernard. – D.Trump: Bernard,
je veux te remercier pour le travail incroyable
que tu fais. Tu es l’un des plus grands hommes
d’affaires. Tu es vraiment visionnaire. Tu connais beaucoup de personnes
formidables dans les affaires mais ce ne sont pas nécessairement
des visionnaires. Il y en a très peu. Tu es un artiste
et un visionnaire. Tu as eu une grande vision
pour l’Etat du Texas et pour notre pays. -6 ans plus tard,
B.Arnault a toujours les yeux tournés vers l’Amérique,
où il réalise 25 % de ses ventes. Malgré une perte nette
de bénéfices et alors que Trump impose des droits de douane
dans le monde entier, il annonce l’ouverture
d’un nouvel atelier, toujours au Texas. … Eviter la guerre commerciale,
mais à quel prix? La taxe négociée à 15 % sur les exportations européennes
aux Etats-Unis inquiète, notamment en France. Les producteurs de vins
et de champagne… – On est déjà sur un produit
haut de gamme. Ajouter une taxe
qui n’apporte rien de plus au consommateur,
ce n’est pas bienvenu. – D.Trump et ses taxes douanières
bouleversent l’économie mondiale. Pour y faire face, les stratégies
divergent, notamment dans le luxe français. Avec un recul de 46 %
de ses bénéfices nets au premier semestre 2025, Kering,
le groupe de F.-H.Pinault, s’offre le transfert
le plus cher de l’année à 20 millions d’euros. L.de Meo va diriger
le 3e groupe de luxe mondial après avoir redressé Renault,
alors que le secteur automobile est à la peine
face à la concurrence des voitures électriques
chinoises en Europe. – Mercedes-Benz et Porsche
ont vu leurs bénéfices s’effondrer au premier semestre. – Les menaces de Trump
ont fait passer bien des nuits blanches
à l’industrie automobile allemande. Visiblement, ce n’est pas fini. – Dans une Allemagne déjà minée
par la crise de l’industrie et en particulier de l’automobile,
les droits de douane imposés par Trump font craindre le pire. – Nous dépensons déjà
des milliards en droits de douane. Tout cela,
nous ne pouvons pas l’investir dans l’avenir de notre industrie. Il faut que l’UE se réveille. Nous devons devenir
plus compétitifs. Nous devons améliorer
les coûts énergétiques, les partenariats commerciaux
entre nous, les accords sur les matières premières. Il faut rester compétitifs
à l’international et éviter les évasions de capital. – Certains secteurs sont exemptés
de droits de douane entre les Etats-Unis et l’Europe. Après de longues semaines
de menaces et de négociations, l’aéronautique est épargnée. – A.de Tarlé: On a vu
une responsable de l’industrie automobile allemande. Ca doit être compliqué
pour les constructeurs allemands, qui étaient les rois du pétrole, avec leurs voitures de luxe
qu’ils exportaient dans le monde entier. Là, ils se prennent
crise sur crise. – I.Raymond: Tous les résultats
pour le premier semestre ont été publiés pour les constructeurs
automobiles allemands. Ils sont très mauvais. – A.de Tarlé: Ils perdent
le marché chinois… – I.Raymond: Et ça se referme
aux Etats-Unis. Des emplois ont été détruits
l’année dernière. Ca pourrait continuer cette année. Ce que disait cette dame
est intéressant. Elle dit qu’il faut améliorer
la compétitivité de l’industrie européenne. C’est le problème aujourd’hui,
on a une industrie qui n’est pas compétitive
et qui n’avait pas besoin de cette crise. – A.de Tarlé: Les voitures
électriques chinoises sont plus compétitives
que les allemandes? – I.Raymond: Malgré
les droits de douane qui ont été mis en place
à l’entrée de l’UE, oui. Ce dont a besoin l’industrie
européenne, notamment l’industrie automobile,
c’est d’être plus compétitive. On a vu aussi le secteur du vin. Il n’a pas besoin d’avoir
le marché américain qui se ferme. On a des primes
à l’arrachage aujourd’hui, qui sont prévues en France. Le secteur
est extrêmement fragilisé. Pareil pour l’automobile,
pour le secteur viticole… Le marché américain se ferme,
ou en tout cas Va être plus cher à l’entrée. C’est une sur-crise qui se rajoute
à des problèmes qui existaient déjà. – A.de Tarlé: On imagine
un traumatisme pour les Allemands, qui étaient très fiers
de leur industrie automobile. Elle est attaquée de toutes parts. C’est l’ADN de l’Allemagne
qui est attaqué? – P.Mabille: Ils ont quand même
beaucoup tardé à s’adapter à ce nouveau monde, qu’on annonce
depuis des années. La révolution de la voiture
électrique, on en parle depuis la fin des années 2000. Les Chinois, eux,
n’ont pas attendu. Ils se sont spécialisés. Ils ont choisi d’être
les champions de l’économie électrifiée de demain. Nous, on dit
qu’on veut la fabriquer pour 2030-2035… C’est la réponse
aux défis climatiques et aux défis industriels
qu’on a devant nous. Mais on a beaucoup trop tardé. Aujourd’hui, la date de 2035
pour la fin des véhicules thermiques en Europe
est aujourd’hui mise en doute. On ne demande pas
à l’industrie automobile de renoncer à la décarbonation,
mais eux demandent une neutralité technologique, de pouvoir passer
par d’autres formes de motorisation, comme l’hybride
ou d’autres solutions technologiques à l’étude en Europe. Mais sur la bataille de
l’électrique, on est 30 % plus cher que les Chinois. On voit que ça ne peut pas
durer longtemps. On évoquait tout à l’heure
des solutions, en demandant aux Chinois
de faire des usines en Europe. Ca commence à venir. On voit qu’aujourd’hui,
pour l’industrie automobile européenne en tout cas,
c’est un danger mortel. Certains constructeurs
pourraient disparaître d’ici une dizaine d’années. – A.de Tarlé: Les Allemands
ont l’automobile, nous, on a le luxe. Question. Est-ce que notre secteur
pourrait s’accommoder de ces droits de douane? – J.-M.Daniel: Je pense, oui. Un économiste américain,
l’auteur du livre qui sert de référence au niveau mondial dans l’enseignement de l’économie,
décrit ce qui se passe aux Etats-Unis
en ce moment en disant: “Moi, je vis en Europe. Je bois du chablis. Je suis habillé par Hugo Boss. J’ai une montre Gucci et je passe
mes vacances en Toscane. Je suis représentatif
de l’Américain aisé, fortuné, habitant à New York. Donc je vais subir les 15 %. Ma secrétaire, elle,
fait ses courses chez Walmart où 80 % des produits sont chinois. Elle va prendre
sur son pouvoir d’achat les 100 ou 120 %
de droits de douane.” Une des questions
qu’on se pose dans l’émission, c’est: qui va arrêter Trump? Mais c’est le consommateur
américain, l’électeur américain! Il a gagné les élections
en dénonçant l’inflation héritée des démocrates pendant le covid, et Biden
qui a été incapable de répondre à l’inflation. Or, Trump est aussi
en train de générer de l’inflation. Il va devoir
mettre la pédale douce. Les produits européens s’adressent
à une partie de la population aux Etats-Unis qui est susceptible
de répondre en maintenant sa dépense,
qui n’est pas directement menacée dans son pouvoir d’achat global. Elle va subir les conséquences
de la hausse des droits de douane, mais elle peut les subir. Alors que la population américaine
qui vit sur le Vietnam et la Chine… – A.de Tarlé: Ceux qui achètent
du made in China sont au dollar près. – J.-M.Daniel: Ca peut
se répercuter dans leur portefeuille
et ensuite aux élections. On dit que le taux
d’emploi industriel en Californie ne cesse pas de décliner. Pourtant, elle se trouve
dans la liste des économies les plus développées. D.Trump veut sauver
la sidérurgie et l’aluminium aux Etats-Unis. Il faut continuer à être compétitif
et aller de plus en plus vers les nouvelles technologies,
vers l’avenir. D.Trump dit
qu’avec les droits de douane, il veut réindustrialiser,
revenir à une situation économique qui ne correspond pas
à la réalité du monde actuel. – A.de Tarlé: On en vient
à vos questions. Question. Le Canada, c’est 35 %
de droits de douane et la Suisse, 30 %. Avec nos 15 %,
on s’en est bien sortis. – I.Raymond: Pour le coup,
le Canada tient tête aux Etats-Unis,
notamment sur la Palestine. Ca fait longtemps
qu’il y a des bisbilles importantes entre D.Trump et les Canadiens. Donc pour le Canada,
ce n’est pas une surprise. En revanche, les Suisses
en se réveillant ce matin Se sont demandé
pourquoi ils avaient pris 39 %. Ils exportent
beaucoup aux Etats-Unis. Notamment leur horlogerie,
mais pas que… Pour eux, c’est
un peu moins facile à comprendre. – A.de Tarlé: Il y a
les dépenses militaires… – J.-M.Daniel: Ca fait aussi
un certain temps que le Trésor américain
accuse les Suisses de sous-évaluer leur monnaie. Ils disent que quand il y a
un tel excédent extérieur, le franc suisse devrait s’apprécier. – A.de Tarlé: Depuis
le début de l’année, la courbe de l’euro est montée… Elle a augmenté de 11 %
face au dollar depuis le début de l’année. Ca veut dire
que les produits européens sont 11 % plus chers? – E.Benezet: Effectivement,
il y a les 15 % de droits de douane pour les produits européens
vendus sur le territoire américain, mais il faut aussi
prendre en compte la parité du dollar. Si l’euro est plus fort
que le dollar aujourd’hui, quand les Européens
vendent un produit sur le sol américain, les Américains l’achètent
avec un dollar plus faible, donc le payent plus cher. Ca a le même effet
que les droits de douane. – A.de Tarlé: C’est donc
le moment d’aller aux Etats-Unis. L’euro est redevenu
une monnaie forte qui nous donne du pouvoir d’achat à l’étranger. – E.Benezet: Toute la politique
aujourd’hui de D.Trump, qui est de bomber le torse,
avec cette volonté d’humilier ses adversaires… On a l’impression
d’une sorte de géant affaibli qui en fait trop. Est-ce qu’il faut répondre
de la même manière ou essayer d’être plus intelligent,
de construire nos forces? On les a un peu abordés
aujourd’hui, avec ce marché européen
qui partait à la conquête d’autres marchés dans le monde… Est-ce que ce n’est pas
la meilleure réponse à apporter à D.Trump? – A.de Tarlé: Question. J.-M.Daniel,
vous n’êtes pas convaincu par cette stratégie
visant à mettre des barrières pour que renaisse
l’industrie américaine. Comme en France, elle a disparu? – J.-M.Daniel: Je suis sur la ligne
du gouverneur de Californie. Ce n’est pas l’industrie
à l’ancienne et le retour de la sidérurgie,
de l’acier, de l’aluminium… Ce n’est pas ça, l’avenir. Ce qu’il y a d’intéressant
chez D.Trump, c’est que lui et son entourage
ont porté un diagnostic réel sur la situation
de l’économie américaine. Elle est surendettée,
elle vit au-dessus de ses moyens, avec un déficit extérieur
de 1000 milliards de dollars. – A.de Tarlé: Les Américains
sont un peu comme nous, de ce point de vue… – J.-M.Daniel: Oui, fois 10! On met en avant le fait
qu’il y a beaucoup plus de croissance aux Etats-Unis
qu’en Europe, mais c’est une croissance à crédit,
qui fait porter la note sur la génération future. C’est ce modèle avec lequel
veut rompre D.Trump. Il avait embauché E.Musk pour dire:
“On va réduire le déficit budgétaire.” C’était l’un des éléments-clés
de sa politique. E.Musk a disparu. Il a fait voter une loi
sur le plan fiscal et budgétaire qui accroît encore
le déficit budgétaire. La secrétaire au Trésor
sortante de Biden avait dit qu’au-delà
de 2500 milliards de dollars de déficit budgétaire… – A.de Tarlé: Nous, on s’affole
avec nos 150 milliards… – J.-M.Daniel: 2500
milliards de dollars, c’était le bilan des démocrates. Là, on est à 1500 milliards
de déficit budgétaire avec Trump. Les finances publiques américaines
sont tout à fait hors contrôle. Notre gestion à nous
paraît vertueuse par rapport à celle de D.Trump! – A.de Tarlé: Les bourses
baissent aujourd’hui. Paris a perdu près de 3 %. On se dit que ces droits de douane
qu’on défouraille, ça va casser la croissance mondiale? – J.-M.Daniel: C’est une année
où il y aura un peu de croissance mais aussi peu de pays en récession. – P.Mabille: Est-ce que ce n’est pas
parce qu’on a anticipé les droits de douane
en faisant beaucoup de stocks? On voit qu’il y a eu
beaucoup d’anticipation. C’est plutôt devant nous
que les problèmes de surinflation, de hausse des taux… – J.-M.Daniel: La 1re raison
qui explique ça, c’est une certaine inertie
de l’économie mondiale. Il y a des déficits budgétaires
qui se creusent dans pas mal de pays. L’activité mondiale
se construit actuellement sur le racket
de la génération future. – A.de Tarlé: Nous ne sommes
donc pas les seuls en France à nous soucier
de vouloir réduire le déficit budgétaire. – J.-M.Daniel: C’est un problème
qui se pose aussi aux Etats-Unis. – E.Benezet: Un des rares pays
en récession aujourd’hui, c’est l’Allemagne. – I.Raymond: Si D.Trump réussit
à faire en sorte que l’Europe se réveille
et se ressaisisse, on pourrait peut-être lui donner
le prix Nobel de l’économie! – A.de Tarlé: Ou le prix Charlemagne! C’est sur cette idée
que se termine cette émission.

Le début d’un nouvel ordre commercial international ? Le président américain Donald Trump a signé hier soir le décret instaurant les nouveaux droits de douane qui toucheront les produits des partenaires commerciaux des États-Unis. Ce geste vise à “restructurer le commerce mondial au bénéfice des salariés américains”, selon un document publié par la Maison-Blanche. Ils prendront effet le 7 août, et non dès aujourd’hui, comme initialement attendu. L’Union européenne, le Japon ou la Corée du Sud verront ainsi leurs produits être taxés à hauteur de 15 %, le Royaume-Uni de 10 %.
Ces taux amendent ceux qui avaient été annoncés le 2 avril dernier avant d’être suspendus en raison de la débâcle que cette annonce avait provoquée sur les marchés financiers.
Faute d’être parvenus à un accord avec Donald Trump, la Suisse ou encore le Canada se sont vus imposer des droits de douane particulièrement élevés sur leurs produits exportés aux États-Unis. Ces deux pays, taxés respectivement à hauteur de 39% et de 35%, comptent parmi les grands perdants de l’opération commerciale américaine. Le Brésil est également très durement touché, avec des taxes à 50 %. L’administration Trump utilise sa politique tarifaire pour s’opposer aux équipes du président Lula et à la justice brésilienne, qui poursuit l’ancien président d’extrême droite, Jair Bolsonaro.
Les deux géants asiatiques ne sont pas épargnés. L’Inde sera taxée à 25 % et la Chine à 55 %, en tenant compte des hausses intervenues lors du premier mandat de Trump.
Au regard de ses concurrents internationaux, l’Union européenne ne semble donc finalement pas s’en tirer à si mauvais compte.
Mais en France des critiques contre l’accord signé entre Bruxelles et Washington se sont fait entendre au plus haut sommet de l’Etat. Le manque de combativité européenne dans ce dossier fait réagir. La France a “été un peu seule” à se battre, selon le Premier ministre François Bayrou. Emmanuel Macron estime que l’UE n’a pas été assez “crainte” par les Etats-Unis et affirme que la France “n’en restera pas là”. Le président souhaite obtenir de “nouvelles exemptions”, notamment pour le secteur des alcools et spiritueux.

Si le secteur aéronautique a évité la foudre et apparaît sauvegardé, le luxe, fleuron français, sera touché par cette nouvelle donne. Bernard Arnaud, à la tête de LVMH, le numéro un mondial du secteur, va ouvrir une usine aux États-Unis. Kering, numéro trois mondial, a de son côté annoncé l’arrivée de l’Italien Luca Di Meo à la tête de l’entreprise. L’ancien dirigeant de Renault devrait toucher 20 millions d’euros lors de la signature, et ce malgré les difficultés du groupe.
De l’autre côté du Rhin, l’automobile allemande va aussi pâtir de ces droits de douanes réévalués. D’autant que des plans sociaux étaient déjà annoncés avant même la politique américaine. Les constructeurs sont en effet frappés par la forte concurrence des véhicules électriques chinois.

Ces nouveaux droits de douane sont censés attirer les investissements étrangers pour une production sur le sol américain, et relancer, dans le même temps, l’industrie américaine. Mais le pouvoir d’achat des ménages américains va aussi en ressentir les effets : le budget Lab de Yale estime à 2400 dollars par famille en moyenne le coût des droits de douane la première année.

Grands gagnants de cette nouvelle donne – et de l’appauvrissement des ménages américains privés de leurs importations chinoises à bas coûts – les entreprises de réparation et de reconditionnement. Une équipe de C dans l’air a rencontré le dirigeant de Back Market, une entreprise française de reconditionnement et de commerce d’appareils électriques et électroniques. Il explique que son groupe, implanté aux Etats-Unis, a vu ses ventes multipliées par trois lors des premières annonces de Trump survenues en avril dernier. Selon lui, un changement des habitudes de consommation est en train de s’opérer. Faute de pouvoir acheter des produits en provenance de l’étranger, les clients vont se recentrer sur le local. Pour le plus grand profit de son entreprise.

LES EXPERTS :
Jean-Marc DANIEL – Économiste , professeur émérite à l’ESCP business school
Isabelle RAYMOND – Cheffe du service économie et social – France info
Philippe MABILLE – Directeur éditorial – la Tribune et la Tribune Dimanche
Erwan BENEZET – Journaliste au service économie – le Parisien Frédéric DABI – Directeur Général Opinion de l’Ifop

Retrouvez-nous sur :
| Notre site : https://www.france.tv/france-5/c-dans-l-air/
| Facebook : https://www.facebook.com/Cdanslairf5/
| Twitter : https://twitter.com/Cdanslair
| Instagram : https://www.instagram.com/cdanslair/

Diffusion : tous les jours de la semaine à 17.40
Format : 65 minutes
Présentation : Caroline Roux et Axel de Tarlé
Production : France Télévisions/Maximal Productions

25 Comments

  1. Je comprends même que la situation en Europe soit plus délicate et qu'elle ait dû céder à Trump. Mais le Brésil, à moins qu'il y ait une guerre avec des armes et que tout le monde meure, n'acceptera pas qu'un bandit nous dise ce que nous devons faire !

  2. Le titre approprié: Trump continue de détruire l’économie mondiale!
    Cet Imbecile croit qu’en déplaçant les camps constamment on marque plus facilement 🧐
    Notre économie n’a créé que 73000 emplois en juillet et comme d’accoutumé il blâme quelqu’un d’autre !

  3. Honteux… je suis français expatriés… et le Canada n’a pas fini de négocier… je ne peux ecouté plus longtemps … je pense que je vais réfléchir à la renonciation de ma nationalité européenne ….

  4. Il faut faire comme les Canadiens juste penser à après américains dans le commerce et souhaiter à ces derniers bonne chance dans leur entre-soi. En ce qui concerne leur protection, on s’en passera comme avant WW2.

  5. Les chinois se prennent 55% dans la gueule avec accès sans restriction des USA sur les terres rares, contre 25% sur les USA sans contraintes d'études supérieures de leur étudiants aux USA… et des gens viennent rabâcher que les chinois resistent ! : QUEL ENFUMAGE‼️

  6. Je suis Democrat mais je reconnais que Trump a raison face à des partenaires qui hormis Israël sont des pseudo-alliés et amis qui pillent les États-Unis depuis 1976. De plus, nous n'avons nul besoin des produits étrangers hormis les bananes. Nul besoin des vehicules germaniques, des fromages français, des vins italiens, des Airbus et Dassault Falcon, des oranges espagnoles, la scrap chinoise et asiatique.

  7. Citoyens européens, n'achetez pas de produits américains et évitez les services américains quand c'est possible.
    Gouvernements européens, cessez d'acheter des F-35 et d'utiliser Microsoft Windows et Office alors qu'il existe des solutions de remplacement gratuites comme Linux et LibreOffice.
    Institutions européennes, n'utilisez pas de hosting américains: le Cloud Act rend nos données accessibles à toute agence américaine.

  8. Mon fils vient de se rendre compte que les européens ne sont plus indépendants vis à vis des américains depuis après la deuxième guerre mondiale 😱😱😱

  9. L'Europe se met à genoux mais beaucoup de pays résistent, surtout ceux constituant les Brics. Votre émission est un chapelet de mensonges et de propagande.

  10. Le Canada et le Mexique ont un accord de libre échange avec les USA et tout ce qui est compris dans cet accord tient (90% des échanges des deux pays), le reste est encore à négocier. Il n'y a que l'Europe qui s'est couchée devant Trump… L'Europe c'est pas le monde. Votre eurocentrisme reste, comme toujours, insupportable…

  11. La question est de savoir pourquoi on se couche devant ce monsieur. C'est l'extrême faiblesse de l'UE et de la commission européenne qui n'a aucune structure politique forte. Maintenant comme Trump punit le Brésil parce que Bolsonaro est menacé de prison, l'UE pourrair voir les droits de douane passer de 15% à beaucoup plus du simple fait que nous voulons reconnaître la Palestine.

  12. Il faut ajouter que Trump cherche a nous punir parce-qu'on achète Canadien et que rare sont les Canadiens qui ont passer les douanes Américaines pour les vacances. En plus ils nous accuse de laisser le Fentanyl rentrer chez eux alors que c'est le contraire. De plus il intervient dans la prise de position de notre gouvernement face a la Palestine. Il faut tenir compte que ce n'est pas tous les produits qu'on exporte qui sont a 35% grâce a l'entente Mexique,États-Unis et du Canada. Mais c'est surtout les matières premières qui sont impacts. Aciers,aluminium…

  13. Bon evidemment personne ne mentionne que les grands perdants sont les citoyens américains qui sont ceux qui devront payer les droits de douane , et point les industries étrangères …